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254 MILLE FRANCS DE RECOMPENSE.

CYPRIENNE.

Regardez au fond de mes yeux. Edgar, après la mort, dans le ciel, je ne vous aimerai pas davantage j seulement je vous aimerai dans plus de lumière. Edgar, mon sourire, c’est vous. Ma tristesse, c’est vous. Quelle chose étrange que de penser toujours à quelqu’un ! Le matin je me lève, je me dis : le verrai-je aujourd’hui . Je me dis : viendra-t-il ? Je tremble quand vous venez, j’ai peur, mais c’est ma joie. Quand vous êtes parti, à peine la porte est-elle refermée, je me rappelle tous les mots que vous avez dits, le gilet que vous aviez, vos gants, votre chapeau posé sur la chaise, le rayon de soleil qu’il faisait, je passe ma journée à cela, je n’ai pas autre chose dans l’esprit, je me fais des reproches, oui, vous serez mon mari, vous êtes déjà mon âme. Oh ! quel profond oubli que l’amour ! — Ciel ! mon grand-père ! L’homme en cheveux blancs apparaît dans les rideaux entr’ouverts. 11 chancelle comme un malade qui vient de se réveiller. Il avance lentement avec une sorte d’oscillation et comme dans l’ébriété de la fièvre. Il regarde Edgar et Cyprienne avec un sourire égaré.

SCENE VL

CYPRIENNE, EDGAR MARC, LE MAJOR GEDOUARDj puis ÉTIENNETTE, SCABEAU, les Recors.

LE MAJOR GÉDOUARD , à Edgar.

Ah ! c’est vous, monsieur. Bonjour. Vous venez pour votre leçon .^^ CYPRIENNE, bas à Edgar.

Il a la fièvre et le délire. Il vous prend pour un de ses élèves. LE MAJOR GÉDOUARD.

J’ai été malade, mais je vais mieux. Je suis bien. C’est drôle, je ne sais plus votre nom. Je vous reconnais pourtant. Je vais vous donner votre leçon. Asseyez-vous, monsieur.

CYPRIENNE, k Edgar.

Faites ce qu’il vous dit.

Regardant le major Gcdouard.

Grand Dieu ! mon pauvre père !