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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 2.djvu/126

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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

monarchie, je mets à part et hors du débat les personnes, les princes, les exilés, pour lesquels je n’ai au fond du cœur que la sympathie qu’on doit à des français et le respect qu’on doit à des proscrits ; sympathie et respect qui seraient bien plus profonds encore, je le déclare, si ces exilés n’étaient pas un peu proscrits par leurs amis. (Très bien ! très bien ! )

Je reprends. Dans cette discussion, donc, c’est uniquement de la monarchie principe, de la monarchie dogme, que je parle ; et une fois les personnes mises à part, n’ayant plus en face de moi que le dogme royauté, j’entends le qualifier, moi législateur, avec toute la liberté de la philosophie et toute la sévérité de l’histoire.

Et d’abord, entendons-nous sur ces mots, dogme et principe. Je nie que la monarchie soit ni puisse être un principe ni un dogme. Jamais la monarchie n’a été qu’un fait. (Rumeurs sur plusieurs bancs.)

Oui, je le répète en dépit des murmures, jamais la possession d’un peuple par un homme ou par une famille n’a été et n’a pu être autre chose qu’un fait. (Nouvelles rumeurs.)

Jamais, — et, puisque les murmures persistent, j’insiste, — jamais ce soi-disant dogme en vertu duquel, — et ce n’est pas l’histoire du moyen âge que je vous cite, c’est l’histoire presque contemporaine, celle sur laquelle un siècle n’a pas encore passé, — jamais ce soi-disant dogme en vertu duquel il n’y a pas quatre-vingts ans de cela, un électeur de Hesse vendait des hommes tant par tête au roi d’Angleterre pour les faire tuer dans la guerre d’Amérique (dénégations irritées), les lettres existent, les preuves existent, on vous les montrera quand vous voudrez… (le silence se rétablit) jamais, dis-je, ce prétendu dogme n’a pu être autre chose qu’un fait, presque toujours violent, souvent monstrueux. (À gauche : C’est vrai ! c’est vrai ! )

Je le déclare donc, et je l’affirme au nom de l’éternelle moralité humaine, la monarchie est un fait, rien de plus. Or, quand le fait n’est plus, il n’en survit rien, et tout est dit. Il en est autrement du droit. Le droit, même quand il ne s’appuie plus sur le fait, même quand il n’a plus l’autorité matérielle, conserve l’autorité morale, et il est