Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/14

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Le monde est sur cet être et l’a dans sa racine,
Et cet être, c’est moi. Je suis. Tout m’avoisine.
Dieu me paie un tribut.
Vivez. Rien ne fléchit le ver incorruptible.
Hommes, tendez vos arcs ; quelle que soit la cible,
C’est moi qui suis le but.


Ô vivants, je l’avoue, on voit des hommes rire.
Plus d’une barque vogue avec un bruit de lyre ;
On est prince et seigneur ;
Le lit nuptial brille, on s’aime, on se le jure,
L’enfant naît, les époux sont beaux ; — j’ai pour dorure
Ce qu’on nomme bonheur.


Je mords Socrate, Eschyle, Homère, après l’envie.
Je mords l’aigle. Le bout visible de la vie
Est à tous et partout,
Et quand au mois de mai le rouge-gorge chante,
Ce qui fait que Satan rit dans l’ombre méchante,
C’est que j’ai l’autre bout.