Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/237

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Contiennent de plus sage et de plus vertueux,
Tous les cœurs nés, ainsi que l'hydre, tortueux,
Les frivoles, les purs, les doctes, les obscènes,
Tout le bourdonnement de ces mouches malsaines,
S'acharne ; un homme est fou du moment qu'il est seul.
On rit d'abord ; le rire a fait plus d'un linceul ;
Puis on s'indigne : — Il faut qu'un tel forfait s'expie ;
L'homme osant n'être pas aveugle, est un impie !
Quoi ! celui-ci prétend qu'il voit de la clarté !
Il dit qu'il voit de loin venir la vérité !
Il sait l'heure, il connaît l'astre, il a l'insolence
D'être une voix chez nous qui sommes le silence,
D'être un flambeau chez nous qui sommes la noirceur !
Il vit là-haut ! il est ce monstre, le penseur !
Quoi ! sa prunelle est sainte, et serait la première
Qu'éblouirait l'auguste et lointaine lumière !
L'abîme est noir pour nous et pour lui serait bleu !
Si ce n'est pas un fou, ce serait donc un dieu !
À bas ! — Et cris, fureur, sarcasme, affronts, supplices !
Les ignorants naïfs et les savants complices,
Tous, car c'est l'homme auquel on ne pardonne point,
Arrivent, et chacun avec sa pierre au poing.
Ah ! tu viens annoncer la vérité ! prédire
La fin de la bataille et la fin du délire,
La fin des guerres, plus d'échafaud, le grand jour,
Le plein midi, la paix, la liberté, l'amour !
Ah ! tu vois tout cela d'avance ! Plus d'envie,
L'homme buvant la joie aux sources de la vie,