Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/281

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Su montrer et prouver sa divinité fière
Par l'agrandissement subit de la lumière
Et par la délivrance auguste des vivants ;
J'ai dit que ni les rois, ni les flots, ni les vents,
Ne pouvaient désormais rien contre un tel prodige ;
Qu'on avait pour cela passé le Rhin, l'Adige,
Le Nil, l'Èbre, et crié sur les monts : Liberté !
Oui, j'avais cru pouvoir dire qu'une clarté
Sortait de ce grand siècle, et que cette étincelle
Rattachait l'âme humaine à l'âme universelle,
Qu'ici-bas, où le sceptre est un triste hochet,
La solidarité des hommes ébauchait
La solidarité des mondes, composée
De toute la bonté, de toute la pensée,
Et de toute la vie éparse dans les cieux ;
Oui, je croyais, les yeux fixés sur nos aïeux,
Que l'homme avait prouvé superbement son âme.
Aussi, lorsqu'à cette heure un Allemand proclame
Zéro, pour but final, et me dit : — Ô néant,
Salut ! — j'en fais ici l'aveu, je suis béant ;
Et quand un grave Anglais, correct, bien mis, beau linge,
Me dit : — Dieu t'a fait homme et moi je te fais singe ;
Rends-toi digne à présent d'une telle faveur ! —
Cette promotion me laisse un peu rêveur.