Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/292

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tour a la hauteur du songe.
Sa crypte jusqu'aux lieux ignorés se prolonge,
Ses remparts ont de noirs créneaux vertigineux,
Si vains qu'on n'y pourrait pendre une corde à nœuds,
Si terribles que rien jamais ne vous procure
Une échelle appliquée à la muraille obscure.
Aucun trousseau de clefs n'ouvre ce qui n'est plus.
On est captif. Dans quoi ? Dans de l'ombre. Et reclus ;
Où ? Dans son propre gouffre. On a sur soi le voile.
C'est fini. Deuil ! Jamais on ne verra l'étoile
Ni l'azur apparaître au plafond sidéral.
Là, rien qui puisse rendre à l'affreux général
Cette virginité, la France point trahie.
Sa mémoire est déjà de lui-même haïe.
Pas d'enceinte à ce bagne épars dans tous les sens,
Qui va plus loin que tous les nuages passants,
Car l'élargissement du déshonneur imite
Un rayonnement d'astre et n'a point de limite.
Pour bâtir la prison qui jamais ne finit
La loi ne se sert pas d'airain ni de granit ;
C'est la fange qu'on prend, la fange étant plus dure ;
Cette bastille-là toujours vit, toujours dure,
Pleine d'un crépuscule au pâle hiver pareil,
Brume où manque l'honneur comme aux nuits le soleil,
Oubliette où l'aurore est éteinte, où médite
Ce qui reste d'une âme après qu'elle est maudite.