Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/335

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Leur front penche, leur pied fléchit, leur genou ploie,
Mais ce frémissement n'ôte rien à leur joie.
Frémir n'empêche pas la branche de fleurir.
Un an, c'est l'âge fier ; croître, c'est conquérir ;
Paul fait son premier pas, il veut en faire d'autres.
(Mères, vous le voyez en regardant les vôtres.)
Frais spectacle ! l'enfant est suivi par l'aïeul.
— Prends garde de tomber. C'est cela. Va tout seul.
Paul est brave, il se risque, hésite, appelle, espère,
Et tout à coup se met en route, et le grand-père
L'entoure de ses mains que les ans font trembler,
Et, chancelant lui-même, il l'aide à chanceler.
Et cela s'achevait par un éclat de rire.
Oh ! pas plus qu'on ne peut peindre un astre, ou décrire
La forêt éblouie au soleil se chauffant,
Nul n'ira jusqu'au fond du rire d'un enfant ;
C'est l'amour, l'innocence auguste, épanouie,
C'est la témérité de la grâce inouïe,
La gloire d'être pur, l'orgueil d'être debout,
La paix, on ne sait quoi d'ignorant qui sait tout.
Ce rire, c'est le ciel prouvé, c'est Dieu visible.

L'aïeul, grave figure à mettre en une bible,
Mage que sur l'Horeb Moïse eût tutoyé,
N'était rien qu'un bon vieux grand-père extasié ;
Il ne résistait pas au charme, et, sans défense,
Honorait, consultait et vénérait l'enfance ;