Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/363

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Sa cime, pour savoir lequel a plus d’amour
40Et quel est le plus grand du regard ou du jour,
Confronte le soleil avec le gypaète ;
La nuit, quand il se dresse, énorme silhouette,
Croit voir un monde sombre éclore à l’horizon ;
Il est superbe, il a la glace et le gazon ;
45L’archange à son sommet vient aiguiser son glaive ;
Il a, comme son dogue, à ses pieds le Salève ;
Il tisse, âpre fileur, les brouillards pluvieux ;
Sa tiare surgit sur nos fronts envieux ;
Ses pins sont les plus verts, sa neige est la plus blanche ;
50Il tient dans une main la colombe Avalanche
Et dans l’autre le vaste et fauve aigle Ouragan ;
Il tire du fourreau, comme son yatagan,
La tourmente, et les lacs tremblent sous sa fumée ;
Il plonge au bloc des nuits l’éclair, scie enflammée :
55L’immensité le baise et le prend pour amant ;
Une mer de cristal, d’azur, de diamant,
Crinière de glaçons digne du lion Pôle,
Tombe, effrayant manteau, de sa farouche épaule ;
Ses précipices font reculer les chamois ;
60Sur son versant sublime il a les douze mois ;
Il est plus haut, plus pur, plus grand que nous ne sommes ;
Et nous l’insulterions si nous étions des hommes.