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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/56

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C’était au mois d’Eglad que nous nommons juillet ;
Et sous l’azur noir, face immense du mystère,
Dans tous les lieux déserts qui sont sur cette terre,
Forêts, plages, ravins, caps où rien ne fleurit,
10Les solitaires, ceux qui vivent par l’esprit,
Sondant l’éternité, l’âme, le temps, le nombre,
Effarés et sereins, étaient épars dans l’ombre ;
L’un en Europe ; l’autre en Inde, où, dans les bois
Cachant ses jeunes faons, la gazelle aux abois
15Attend pour s’endormir que le lion s’endorme ;
Un autre dans l’horreur de l’Afrique difforme.
Tous ces hommes avaient l’idéal pour objet ;
Et chacun d’eux était dans son antre et songeait.
Ces prophètes étaient frères sans se connaître ;
20Pas un d’eux ne savait, isolé dans son être
Et sa pensée ainsi qu’un roi dans son état,
Que quelqu’un de semblable à lui-même existât ;
Ils veillaient, et chacun se croyait seul au monde ;
Aucun lien entre eux que l’énigme profonde
25Et la recherche obscure et terrible de Dieu.
Ils pensaient ; l’infini sans borne et sans milieu
Pesait sur eux ; pas un qui de la solitude
N’eût la mystérieuse et sinistre attitude ;
Pourtant ils étaient doux ces hommes effrayants.

30Sphar était attentif aux nuages fuyants ;
Stélus laissait, du fond des mers, du bord des grèves,