Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/71

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Il reçoit un mouton de chaque paysan ;
Le Roc-Ferrat, ce mont où l’on trouve l’opale,
Saint-Sever sur l’Adour, Aire l’épiscopale,
Sont à lui ; son état touche aux deux océans ;
Le roi de France entend jusque dans Orléans
Le bruit de son épée aiguisée et fourbie
Aux montagnes d’Irun et de Fontarabie ;
Gaïffer a sa cour plénière de barons ;
La foule, autour de lui, se tait et les clairons
Font un sinistre éclat de triomphe et de fête ;
Au point du jour, sa tour, dont l’aube teint le faîte,
Noire en bas et vermeille en haut, semble un tison
Qu’un bras mystérieux lève sur l’horizon ;
Gaïffer-Jorge est prince, archer et chasseur d’hommes ;
On le trouve très-grand parmi ses majordomes,
Ses baillis font sonner sa gloire, et ses prévôts
Sont plus qu’à Dieu le père à Gaïffer dévots.
Seulement, il a pris, pour élargir sa terre,
Aux infants d’Oloron leur ville héréditaire ;
Mais ces infants étaient de mauvaise santé,
Et si jeunes que c’est à peine, en vérité,
S’ils ont su qu’on changeait leur couronne en tonsure ;
De plus son amitié n’est pas toujours très-sûre ;
Il a, pour cent francs d’or, livré son maître Aymon
Au noir Miramolin, Hécuba-le-démon ;
Aymon, ce chevalier dont tout parlait naguère,
Avait instruit le duc Gaïffer dans la guerre,
Aymon était un fier et bon campéador,