Page:Hugo - La Légende des siècles, 3e série, édition Hetzel, 1883.djvu/103

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Pas une résistance illustre dans les cœurs !
La tyrannie altière, atroce, inexorable,
Est le vaste échafaud de l'homme misérable ;
Le maître est le gibet, les flatteurs sont les clous.
Mangé de la vermine ou dévoré des loups,
Tel est le sort du peuple ; il faut qu'il s'y résigne.
Des vautours, des corbeaux. Mais où donc est le cygne ?
Où donc est la colombe ? où donc est l'alcyon ?
Quand on n'est pas Tibère, on est Trimalcion.
L'un rampe, lèche et rit pendant que l'autre opprime,
Sombre histoire ! le vice est le fumier du crime ;
Les hommes sont bassesse ou bien férocité ;
Meurtre dans le palais, fange dans la cité ;
Le tyran est doublé du valet ; et le monde
Va de l'antre du fauve à l'auge de l'immonde.

Tout ce que je dis là vous fait l'esprit content ;
C'est votre joie, ô rois, mais écoutez pourtant.

Rois, qu'une seule voix proteste, elle réveille
Au fond de ce silence une sinistre oreille
Et fait rouvrir un œil terrible en cette nuit ;
Prenez garde à celui qui fait le premier bruit ;
Un seul passant sévère et ferme déconcerte
Dans son abjection l'immensité déserte ;
Un vivant n'a qu'à dire aux cadavres un mot,