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Page:Hugo - La Légende des siècles, 3e série, édition Hetzel, 1883.djvu/153

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Leur meute dans le bois sinistre des ténèbres
Les peuples, devant eux poussant ces chiens funèbres,
Haine, Ignorance, Envie, Orgueil, Rébellion,
Ont traqué mon prophète ainsi que le lion,
Quand ils boivent le sang et le vin dans leurs salles,
Adorant, nains hideux, leurs fautes colossales,
Quand le brûleur, soufflant sur un tas de charbon,
Se dit mon prêtre, et quand le mal leur semble bon,
Les mages inspirés parlent aux multitudes,
Comme le sombre vent, du fond des solitudes,
Mais je n'ignore pas que ce n'est point assez.
Le prophète est bien grand, mais ne peut, je le sais,
Dire les mots divins qu'avec la langue humaine ;
Il sied que le prodige et que le phénomène
Apparaisse, et me nomme aux peuples, oublieux
De tout ce que j'ai mis d'obscur sur les hauts lieux ;
Il faut faire entrevoir à l'homme mon mystère,
L'ordre silencieux doit cesser de se taire,
Et, pour le ciel profond, c'est le moment d'avoir
La clameur rappelant les peuples au devoir ;
Un avertissement farouche est nécessaire ;
Votre terre a besoin qu'un verbe altier, sincère,
Innocent, prenne l'ombre effrayante à témoin ;
Alors il faut quelqu'un qu'on entende de loin
Et qui parle plus haut que la voix ordinaire,
Et c'est un des emplois que je donne au tonnerre.