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Page:Hugo - La pitié suprême, 1879.djvu/8

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LA PITIÉ SUPRÊME.

Toute la nuit grondait et pleurait à la fois
Comme si l’horizon fauve et crépusculaire
N’était formé que d’ombre et plein que de colère ;
Clameur rauque ! il semblait qu’ensemble on entendît
L’orageuse rumeur d’une mer qui bondit
Et les voix d’un forum qui parle et délibère.
― Honte, anathème, enfer, deuil ! Tibère ! Tibère !
Tibère ! ― et d’autres noms, mêlés à celui-là,
Passaient : ― Procuste ! Achab ! Denys ! Caligula !
Sanche ! Alonze ! Clovis ! Sennachérib ! Cambyse !
Louis onze ! malheur ! mort ! opprobre ! ― et la bise
Était comme une foule, et de ces noms proscrits
Chaque syllabe était faite de mille cris ;
Et j’entendais : ― Saül ! Omar ! Ivan ! Clotaire ! ―
Et de tout l’océan et de toute la terre,
Des chaumes, des palais, des masures, des vents,
Des croix, des millions de lèvres des vivants,
Des mâchoires des morts grinçant leur affreux rire,
Des fumiers où croupit ce qui ne peut s’écrire,
Ces noms sortaient ainsi que d’horribles oiseaux ;
Les squelettes n’avaient qu’à remuer leurs os