Page:Hugo - Les Châtiments (Hetzel, 1880).djvu/224

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La proie est là ! — hurlant et jappant à la fois,
Lancés dans le sénat ainsi que dans un bois,
Tous confondus, traitant, magistrat, soldat, prêtre,
Meute autour du lion, chenil aux pieds du maître,
Ils sont à qui les veut, du premier au dernier,
Aujourd’hui Bonaparte et demain Changarnier !
Ils couvrent de leur bave honneur, droit, république,
La charte populaire et l’œuvre évangélique,
Le progrès, ferme espoir des peuples désolés ;
Ils sont odieux. — Bien. Continuez, allez !
Quand l’austère penseur qui, loin des multitudes,
Rêvait hier encore au fond des solitudes,
Apparaissant soudain dans sa tranquillité,
Vient au milieu de vous dire la vérité,
Défendre les vaincus, rassurer la patrie,
Éclatez ! répandez cris, injures, furie,
Ruez-vous sur son nom comme sur un butin !
Vous n’obtiendrez de lui qu’un sourire hautain,
Et pas même un regard ! — Car cette âme sereine
Méprisant votre estime, estime votre haine.


Paris, 1854.