Page:Hugo - Les Châtiments (Hetzel, 1880).djvu/301

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On voit sur Austerlitz un peu de leur fumier.
Ta gloire est un gros vin dont leur honte se grise.
Cartouche essaie et met ta redingote grise ;
On quête des liards dans le petit chapeau ;
Pour tapis sur la table ils ont mis ton drapeau ;
À cette table immonde où le grec devient riche,
Avec le paysan on boit, on joue, on triche.
Tu te mêles, compère, à ce tripot hardi,
Et ta main qui tenait l’étendard de Lodi,
Cette main qui portait la foudre, ô Bonaparte,
Aide à piper les dés et fait sauter la carte.
Ils te forcent à boire avec eux, et Carlier
Pousse amicalement d’un coude familier
Votre majesté, sire, et Piétri dans son antre
Vous tutoie, et Maupas vous tape sur le ventre.
Faussaires, meurtriers, escrocs, forbans, voleurs,
Ils savent qu’ils auront, comme toi, des malheurs ;
Leur soif en attendant vide la coupe pleine
À ta santé ; Poissy trinque avec Sainte-Hélène.
Regarde ! bals, sabbats, fêtes matin et soir.
La foule au bruit qu’ils font se culbute pour voir ;
Debout sur le tréteau qu’assiège une cohue
Qui rit, bâille, applaudit, tempête, siffle, hue,
Entouré de pasquins agitant leur grelot,
— Commencer par Homère et finir par Callot !
Épopée ! épopée ! oh ! quel dernier chapitre ! —
Entre Troplong paillasse et Chaix-d’Est-Ange pitre,
Devant cette baraque, abject et vil bazar
Où Mandrin mal lavé se déguise en César,
Riant, l’affreux bandit, dans sa moustache épaisse,