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Page:Hugo - Les Châtiments (Hetzel, 1880).djvu/343

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À bas ce sabre abject qui n’est pas même un glaive !
Que le jour reparaisse et que le droit se lève ! —
C’est nous, proscrits frappés par ces coquins hardis,
Nous, les assassinés, qui sommes les bandits !
Nous qui voulons le meurtre et les guerres civiles !
Nous qui mettons la torche aux quatre coins des villes !

Donc, trôner par la mort, fouler aux pieds le droit ;
Etre fourbe, impudent, cynique, atroce, adroit ;
Dire : je suis César, et n’être qu’un maroufle ;
Etouffer la pensée et la vie et le souffle ;
Forcer quatrevingt-neuf qui marche à reculer ;
Supprimer lois, tribune et presse ; museler
La grande nation comme une bête fauve ;
Régner par la caserne et du fond d’une alcôve ;
Restaurer les abus au profit des félons ;
Livrer ce pauvre peuple aux voraces Troplongs,
Sous prétexte qu’il fut, loin des temps où nous sommes,
Dévoré par les rois et par les gentilshommes ;
Faire manger aux chiens ce reste des lions ;
Prendre gaîment pour soi palais et millions ;
S’afficher tout crûment satrape, et, sans sourdines,
Mener joyeuse vie avec des gourgandines ;
Torturer des héros dans le bagne exécré ;
Bannir quiconque est ferme et fier ; vivre entouré
De grecs, comme à Byzance autrefois le despote ;
Etre le bras qui tue et la main qui tripote ;
Ceci, c’est la justice, ô peuple, et la vertu !
Et confesser le droit par le meurtre abattu ;
Dans l’exil, à travers l’encens et les fumées,