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Page:Hugo - Les Châtiments (Hetzel, 1880).djvu/439

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Chantant les chants de février,
Blouse au vent, casquette en arrière,
On s’en allait à la barrière.
On mangeait un douteux lapin
Et l’on buvait à la Hongrie.
— On ne peut pas vivre sans pain ;
On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. —

Les dimanches le paysan
Appelait Jeanne ou Jacqueline,
Et disait : — Femme, viens-nous-en,
Mets ta coiffe de mousseline !
Et l’on dansait sur la colline.
Le sabot et non l’escarpin
Foulait gaîment l’herbe fleurie.
— On ne peut pas vivre sans pain ;
On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. —

Les exilés s’en vont pensifs.
Leur âme, hélas ! n’est plus entière.
Ils regardent l’ombre des ifs
Sur les fosses du cimetière ;
L’un songe à l’Allemagne altière,
L’autre au beau pays transalpin,
L’autre à sa Pologne chérie.
— On ne peut pas vivre sans pain ;
On ne peut pas non plus vivre sans la patrie. —

Un proscrit, lassé de souffrir,
Mourait ; calme, il fermait son livre ;