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DURANDE ET DÉRUCHETTE

en deux ; une moitié à saint Pierre, une moitié à Calvin ; entre deux, une cloison pour prévenir les gourmades ; parts égales ; les catholiques ont trois autels, les huguenots ont trois autels ; comme ce sont les mêmes heures d’offices, la cloche unique sonne à la fois pour les deux services. Elle appelle en même temps à Dieu et au diable. Simplification.

Le flegme allemand s’accommode de ces voisinages. Mais à Guernesey chaque religion est chez elle. Il y a la paroisse orthodoxe et il y a la paroisse hérétique. On peut choisir. Ni l’une, ni l’autre ; tel avait été le choix de mess Lethierry.

Ce matelot, cet ouvrier, ce philosophe, ce parvenu du travail, très simple en apparence, n’était pas du tout simple au fond. Il avait ses contradictions et ses opiniâtretés. Sur le prêtre, il était inébranlable. Il eût rendu des points à Montlosier.

Il se permettait des railleries très déplacées. Il avait des mots à lui, bizarres, mais ayant un sens. Aller à confesse, il appelait cela « peigner sa conscience ». Le peu de lettres qu’il avait, bien peu, une certaine lecture glanée çà et là, entre deux bourrasques, se compliquait de fautes d’orthographe. Il avait aussi des fautes de prononciation, pas toujours naïves. Quand la paix fut faite par Waterloo entre la France de Louis XVIII et l’Angleterre de Wellington, mess Lethierry dit : Bourmont a été le traître d’union entre les deux camps. Une fois il écrivit papauté, pape ôté. Nous ne pensons pas que ce fût exprès.

Cet antipapisme ne lui conciliait point les anglicans. Il n’était pas plus aimé des recteurs protestants que des curés catholiques. En présence des dogmes les plus graves, son