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Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/253

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LE REVOLVER

nêtes gens se faufilaient, moins surveillées et moins suspectes, les fuites des fripons. Un chenapan forcé de s’éclipser profitait du pêle-mêle, faisait nombre parmi les proscrits, et souvent, nous venons de le dire, grâce à plus d’art, semblait dans ce crépuscule plus honnête homme que l’honnête homme. Rien n’est gauche comme la probité reprise de justice. Elle n’y comprend rien et fait des maladresses. Un faussaire s’échappait plus aisément qu’un conventionnel.

Chose bizarre à constater, on pourrait presque dire, particulièrement pour les malhonnêtes gens, que l’évasion menait à tout. La quantité de civilisation qu’un coquin apportait de Paris ou de Londres lui tenait lieu de dot dans les pays primitifs ou barbares, le recommandait, et en faisait un initiateur. Cette aventure n’avait rien d’impossible d’échapper ici au code pour arriver là-bas au sacerdoce. Il y avait de la fantasmagorie dans la disparition, et plus d’une évasion a eu des résultats de rêve. Une fugue de ce genre conduisait à l’inconnu et au chimérique. Tel banqueroutier sorti d’Europe par ce trou à la lune a reparu vingt ans après grand vizir au Mogol ou roi en Tasmanie.

Aider aux évasions, c’était une industrie et, vu la fréquence du fait, une industrie à gros profits. Cette spéculation complétait de certains commerces. Qui voulait se sauver en Angleterre s’adressait aux contrebandiers ; qui voulait se sauver en Amérique s’adressait à des fraudeurs de long cours tels que Zuela.