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LE REVOLVER

contient un secret désir de ne pas arriver. Ils avaient en perspective un embrassement compliqué de gifles.

Un seul de ces enfants n’avait rien à craindre, c’était un orphelin. Ce garçon était français, sans père ni mère, et content en cette minute-là de n’avoir pas de mère. Personne ne s’intéressant à lui, il ne serait pas battu. Les deux autres étaient guernesiais, et de la paroisse même de Torteval.

La haute croupe de roches escaladée, les trois déniquoiseaux parvinrent sur le plateau où est la maison visionnée.

Ils commencèrent par avoir peur, ce qui est le devoir de tout passant, et surtout de tout enfant, à cette heure et dans ce lieu.

Ils eurent bien envie de se sauver à toutes jambes, et bien envie de s’arrêter pour regarder.

Ils s’arrêtèrent.

Ils regardèrent la maison.

Elle était toute noire, et formidable.

C’était, au milieu du plateau désert, un bloc obscur, une excroissance symétrique et hideuse, une haute masse carrée à angles rectilignes, quelque chose de semblable à un énorme autel de ténèbres.

La première pensée des enfants avait été de s’enfuir ; la seconde fut de s’approcher. Ils n’avaient jamais vu cette maison-là à cette heure-là. La curiosité d’avoir peur existe. Ils avaient un petit français avec eux, ce qui fit qu’ils approchèrent.

On sait que les français ne croient à rien.