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Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/340

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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

des bouteilles ne leur était point déshonneur. Dans l’archipel de la Manche, ainsi que dans la Grande-Bretagne, qui veut rester noble doit rester riche. Un workman ne peut être un gentleman. L’eût-il été, il ne l’est plus. Tel matelot descend des chevaliers bannerets et n’est qu’un matelot. Il y a trente ans, à Aurigny, un Gorges authentique, qui aurait eu des droits à la seigneurie de Gorges confisquée par Philippe-Auguste, ramassait du varech pieds nus dans la mer. Un Carteret est charretier à Serk. Une Mademoiselle De Veulle, arrière-petite-nièce du bailli De Veulle, de son vivant premier magistrat de Jersey, a été domestique chez celui qui écrit ces lignes. Il existe à Jersey un drapier et à Guernesey un cordonnier nommés Gruchy qui se déclarent Grouchy et cousins du maréchal de Waterloo. Les anciens pouillés de l’évêché de Coutances font mention d’une seigneurie de Tangroville, parente évidente de Tancarville sur la basse Seine, qui est Montmorency. Au quinzième siècle Johan De Héroudeville, archer et étoffe du sire de Tangroville, portait derrière lui « son corset et ses autres harnois ». En mai 1371, à Pontorson, à la montre de Bertrand Du Guesclin, « Monsieur De Tangroville a fait son devoir comme chevalier bachelor ». Dans les îles normandes, si la misère survient, on est vite éliminé de la noblesse. Un changement de prononciation suffit. Tangroville devient Tangrouille, et tout est dit.

C’est ce qui était arrivé au timonier de la Durande.

Il y a à Saint-Pierre-Port, au Bordage, un marchand de ferraille appelé Ingrouille qui est probablement un Ingroville. Sous Louis Le Gros, les Ingroville possédaient trois