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Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/63

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Jersey a un Mont-aux-Pendus, ce qui manque à Guernesey. Il y a soixante ans on a pendu un homme à Jersey pour douze sous pris dans un tiroir ; il est vrai qu’à la même époque en Angleterre on pendait un enfant de treize ans pour un vol de gâteaux et en France on guillotinait Lesurques, innocent. Beautés de la peine de mort.

Aujourd’hui Jersey, plus avancée que Londres, ne tolérerait plus le gibet. La peine de mort y est tacitement abolie.

En prison on surveille fort les lectures. Un prisonnier n’a droit qu’à la bible. En 1830, on permit à un français condamné à mort, nommé Béasse, de lire, en attendant la potence, les tragédies de Voltaire. Cette énormité ne serait plus tolérée aujourd’hui. Ce Béasse est l’avant-dernier pendu de Guernesey, Tapner est, et sera, espérons-le, le dernier.

Jusqu’en 1825, le bailli de Guernesey recevait pour traitement les trente livres tournois qu’il avait au temps d’Édouard III ; environ cinquante francs. Aujourd’hui il a trois cents livres sterling. À Jersey, la cour royale se nomme la cohue. Une femme qui fait un procès s’appelle l’actrice. À Guernesey, on condamne les gens au fouet ; à Jersey, on met l’accusé dans une cage de fer. On rit des reliques des saints, mais on vénère les vieilles bottes de Charles II. Elles sont respectueusement conservées au manoir de Saint-Ouen. La dîme est en vigueur. On rencontre en se promenant les magasins des dîmeurs. Le jambage semble aboli, mais le poulage sévit. Celui qui écrit ces lignes donne deux poules par an à la reine d’Angleterre.

L’impôt est un peu bizarrement assis sur la fortune