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Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/101

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est dans le précipice inconnu. Dans ce poëme, l’impondérable, mêlé au pondérable, en subit la loi, comme dans ces écroulements d’incendies où la fumée, entraînée par la ruine, roule et tombe avec les décombres et semble prise sous les charpentes et les pierres ; de là des effets étranges ; les idées semblent souffrir et être punies dans les hommes. L’idée assez homme pour subir l’expiation, c’est le fantôme ; une forme qui est de l’ombre ; l’impalpable, mais non l’invisible ; une apparence où il reste une quantité de réalité suffisante pour que le châtiment y ait prise ; la faute à l’état abstrait ayant conservé la figure humaine. Ce n’est pas seulement le méchant qui se lamente dans cette apocalypse, c’est le mal. Toutes les mauvaises actions possibles y sont au désespoir. Cette spiritualisation de la peine donne au poëme une puissante portée morale. Le fond de l’enfer touché, Dante le perce, et remonte de l’autre côté de l’infini. En s’élevant, il s’idéalise, et la pensée laisse tomber le corps comme une robe ; de Virgile il passe à Béatrix ; son guide pour l’enfer, c’est le poëte ; son guide pour le ciel, c’est la poésie. L’épopée continue, et grandit encore ; mais l’homme ne la comprend plus. Le Purgatoire et le Paradis ne sont pas moins extraordinaires que la Géhenne, mais à mesure qu’on monte on se désintéresse ;