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Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/324

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il se meut, du passant qu’il interroge, de la pensée qu’il porte, de l’action qu’il fait. Il semble ne pas toucher même à ce qu’il broie. C’est l’isolement à sa plus haute puissance. C’est l’aparté d’un esprit plus encore que l’escarpement d’un prince. L’indécision en effet est une solitude. Vous n’avez même pas votre volonté avec vous. Il semble que votre moi se soit absenté, et vous ait laissé là. Le fardeau de Hamlet est moins rigide que celui d’Oreste, mais plus ondoyant ; Oreste porte la fatalité, Hamlet le sort.

Et ainsi à part des hommes, Hamlet a pourtant en lui on ne sait quoi qui les représente tous. Agnosco fratrem. A de certaines heures, si nous nous tâtions le pouls, nous nous sentirions sa fièvre. Sa réalité étrange est notre réalité, après tout. Il est l’homme funèbre que nous sommes tous, de certaines situations étant données. Tout maladif qu’il est, Hamlet exprime un état permanent de l’homme. Il représente le malaise de l’âme dans la vie pas assez faite pour elle. La chaussure qui blesse et qui empêche de marcher, il représente cela ; la chaussure, c’est le corps. Shakespeare l’en délivre, et fait bien. Hamlet, prince, oui ; roi, jamais. Hamlet est incapable de gouverner un peuple, tant il existe en dehors de tout. Du reste, il fait bien plus que régner ; il est. On lui ôterait sa famille, son pays, son