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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/328

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HISTOIRE DES BERBÈRES.

à maintenir la guerre sainte, à fonder des écoles, à élever des zaouïa et des ribat, à fortifier les frontières de l’empire, à risquer leur vie pour soutenir la cause de Dieu, à dépenser leurs trésors dans les voies de la charité, à s’entretenir avec les savants, à leur assigner la place d’honneur aux jours d’audience publique, à les consulter sur les obligations de la religion, à suivre leurs conseils dans les événements politiques et dans les affaires de la justice, à étudier l’histoire des prophètes et des saints, à faire lire ces ouvrages devant eux dans leurs salons de réception, dans leurs salles d’audience et dans leurs palais, à consacrer des séances spéciales au devoir d’entendre les plaintes des opprimés, à protéger leurs sujets contre la tyrannie des agents du gouvernement, à punir les oppresseurs, à établir au siège du khalifat et du royaume, dans l’enceinte même de leurs demeures, des oratoires où l’on faisait sans cesse des invocations et des prières, et où des lecteurs stipendiés récitaient une certaine portion du Coran tous les jours, matin et soir. Ajoutons à cela, qu’ils avaient couvert les frontières musulmanes de forteresses et de garnisons, et qu’ils avaient dépensé des sommes énormes pour le bien public, ainsi qu’il est facile de le reconnaître à l’aspect des monuments qu’ils nous ont laissés.

Faut-il parler des hommes extraordinaires, des personnages accomplis qui ont paru chez le peuple berbère ? alors, on peut citer des saints traditionnistes à l’âme pure et à l’esprit cultivé ; des hommes qui connaissaient par cœur les doctrines que les Tabés[1] et les imams suivants avaient transmis à leurs disciples ; des devins formés par la nature pour la découverte des secrets les plus cachés. On a vu chez les Berbères des choses tellement hors du commun, des faits tellement admirables, qu’il est impossible de méconnaître le grand soin que Dieu a eu de cette

  1. Tous les musulmans qui avaient connu Mahomet ou servi sous ses ordres reçurent le nom de Sahaba, c’est-à-dire compagnons ; ceux qui ne l’avaient pas vu mais qui avaient connu l’un ou l’autre des Compagnons furent appelés Tabé, c’est-à-dire successeurs. Une grande partie de la loi traditionnelle des musulmans a pour base les paroles et les actes de ces deux classes de docteurs.