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DOMINATION ARABE.

religion des vainqueurs ; car plusieurs grandes nations les avaient tenus dans la sujétion. Les rois de Yémen, au dire de leurs historiens, quittèrent leur pays plus d’une fois pour envahir l’Afrique, et en ces occasions, les Berbères firent leur soumission et adoptèrent les croyances de leurs nouveaux maîtres. Ibn-el-Kelbi rapporte que Himyer, le père des tribus yéménites, gouverna le Maghreb pendant cent ans, et que ce fut lui qui fonda les villes de ce pays, telles qu’Ifrîkïa et Sicile[1], Les historiens s’accordent sur le fait d’une expédition entreprise contre le Maghreb par Ifrîcos-Ibn-Saïfi le Tobba [roi de Yémen]. Les princes des Romains, aussi, firent partir des expéditions de leurs résidences, Rome et Constantinople, pour subjuguer les habitants de ce pays. Ce furent eux qui détruisirent la ville de Carthage et qui la rebâtirent plus tard, comme nous l’avons raconté dans notre chapitre sur les Romains[2]. Ils fondèrent aussi, sur le bord de la mer et dans les provinces maritimes de l’Afrique, plusieurs villes devenues ensuite célèbres et dont les édifices et les débris qui restent encore attestent la grandeur ainsi que la solidité de leur construction. Telles étaient Sbaitla (Suffetula), Djeloula (Usalitanum), Mernac[3], Outaca (Utique), Zana (Zama) et d’autres villes que les Arabes musulmans détruisirent lors de la première conquête. Pendant la domination [des Romains], les Berbères se résignèrent à professer la religion chrétienne et à se laisser diriger par leurs conquérants, auxquels, du reste, ils payaient l’impôt sans difficulté.

Dans les campagnes situées en dehors de l’action des grandes villes où il y avait toujours des garnisons imposantes, les Berbères, forts par leur nombre et leurs ressources, obéissaient à des rois, des chefs, des princes et des émirs. Ils y vivaient à l’abri

  1. Il est malheureux pour la réputation d’Ibn-el-Kelbi que notre auteur ait cité de lui un pareil renseignement.
  2. Ce chapitre est assez court et passablement exact ; il se trouve dans la partie inédite de cet ouvrage.
  3. D’après quelques paroles du géographe Abou-Obeid-el-Bekri, on est tenté de placer cet endroit dans le voisinage de Carthage. — (Voyez Notices et Extraits, tome xii, page 490.)