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Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/363

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LES LOUATA.

Les Matghara formaient la plus nombreuse de ces tribus et habitaient à demeure fixe dans des cabanes faites de broussailles. Lors de l’introduction de l'islamisme ils se trouvaient en Maghreb, et pendant les vicissitudes de la conquète arabe et des révoltes du peuple berbère, ils prirent une part active à ces graves événements. Quand les Berbères embrassèrent l’islamisme et qu'une partie d’entre eux traversa le Détroit pour subjuguer l’Espagne, plusieurs fractions de la tribu des Matghara accompagnèrent cette expédition et se fixèrent en ce pays.

Les doctrines kharedjites s’étant ensuite répandues parmi les Berbères, les Matghara adoptèrent les principes religieux des Sofrites, secte hérétique dans laquelle leur chef Meicera, surnommé El-Hafir[1], tenait un rang élevé. Obeid-Allah-Ibn-el-Habhab, nommé gouverneur de l’Ifrîkïa par Hicham-Ibn-el-Mélek , partit de l’Égypte selon l’ordre de ce khalife, et étant arrivé a sa destination en l’an 114 (732-3), il donna le commandement de Tanger et du Maghreb-el-Acsa à Omar[2] Ibn-Abd-Allah-el-Moradi. Il désigna aussi son propre fils, Ismaîl, pour gouverner le Sous et les régions qui s’étendent au delà de cette province. L’administration de ces deux fonctionnaires se prolongea et devint si oppressive que les populations berbères finirent par la prendre en détestation. Ils obligèrent ce peuple à fournir des prestations composées de belles esclaves berbères, de toisons jaunes[3] et des produits du Maghreb les plus rares ; ils poussèrent même leurs exigences si loin qu’on était souvent obligé de tuer tout un troupeau de brebis pour avoir un ou deux fœtus dont la laine était de la couleur voulue. Ces actes d’oppression et de tyrannie étant enfin devenus insupportables, les Berbères cédèrent aux instigations de Meicera, et, en l’an 122 (740), ils tuèrent Omar-Ibn-Abd-Allah, gouverneur de Tanger. Le commandement de cette ville fut donné par Meicera au nommé Abd-el-Ala-Ibn-Hodeidj, personnage né en Afrique d’une famille eu-

  1. Dans les manuscrits, ce nom est écrit tantôt Hafir, tantôt Hakir.
  2. Les manuscrits et le texte imprimé portent Amr.
  3. En arabe : couleur de miel.