Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/257

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trop loin. Quand on connaît la vie du ménage Dudevant et certains actes de Casimir, on éprouve, en lisant l’Histoire de ma Vie, un étrange sentiment d’étonnement et l’on se demande involontairement : « George Sand a-t-elle donc voulu faire parade de sa générosité ou a-t-elle réellement oublié tous ses anciens griefs ? »

Il nous semble, en conséquence, indispensable de n’attacher aucune importance à son ton d’indulgence et au silence qu’elle garde en parlant de Dudevant. Nous exposerons les faits comme ils se sont passés, sans nous effrayer de ce que les déductions à en tirer soient peut-être peu conformes à la magnanimité dont elle semble faire preuve dans l’Histoire de ma Vie.

Revenons à l’exposé des raisons qui ont amené les dissentiments et les malheurs des Dudevant, en répétant que, si le développement intellectuel et les aspirations de Casimir avaient été à la hauteur de ceux de sa femme, elle se serait peut-être habituée à cette absence de tendresse. Si son mari l’eût aimée comme elle y aspirait instinctivement et comme elle le méritait, elle se fût probablement réconciliée avec lui malgré son infériorité d’esprit. Il aurait enfin pu se faire qu’un semblant extérieur d’amitié leur eût fait supporter patiemment leur croix, le manque d’amour et la divergence de leurs intérêts. En un mot, sans former une famille idéale, les Dudevant auraient peut-être été une de ces nombreuses familles où l’amitié n’est qu’extérieure. Notre supposition n’est pas sans fondement : nous en trouvons les preuves dans la Correspondance de George Sand et dans l’Histoire de ma Vie. Mais ces mêmes passages et faits prouvent qu’aussitôt que les convenances extérieures furent violées entre les Dudevant, la dernière possibilité de vivre en commun disparut, — il fallut se séparer pour toujours.