Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
le chien d’or

Sa tante se trouvait dans le grand salon avec quelques amies en visite. Les voix animées de ces dames arrivaient à ses oreilles, mais elle ne s’en apercevait pas, tant elle était absorbée dans les pensées étranges qui l’assaillaient depuis le matin, depuis que le chevalier de La Corne lui avait appris le retour de Pierre Philibert.

Cette nouvelle l’avait singulièrement impressionnée. D’abord, elle comprit que c’était pour son frère un grand bonheur, puis ensuite, elle sentit qu’elle en éprouvait bien de la joie elle-même. Pourquoi ? Elle ne le savait pas trop. Elle ne voulait pas le savoir, et faisait taire son cœur qui le lui disait.

C’était pour son frère qu’elle avait tant de joie ! Son cœur battait un peu plus fort que de coutume, mais c’était la marche longue, et le chagrin de n’avoir pas trouvé Le Gardeur.

Un pressentiment merveilleux lui disait que le colonel avait rencontré Le Gardeur à Beaumanoir, et qu’il ne manquerait pas de venir avec lui, à son retour, présenter ses hommages à madame de Tilly, et les lui présenter aussi à elle-même.

Cette pensée la faisait rougir, et elle se fâchait contre elle-même, à cause de ce fol espoir. Elle se disait que c’était un fol espoir ! Elle voulut faire appel à son orgueil, mais son orgueil ne vint pas vite lui rendre sa tranquillité perdue.

Son entrevue avec Angélique Des Meloizes lui avait laissé une pénible impression. Elle était indignée des aveux hardis de son amie. Elle savait que son frère s’était bien trop occupé d’elle pour son bonheur, surtout s’il arrivait que l’ambition de cette femme belle et perverse fût en désaccord avec son amour. Elle soupirait profondément en songeant combien Angélique était indigne de son frère.

C’est généralement ce que pense une sœur aimante, quand il lui faut confier son frère à la garde d’une autre personne. Mais Amélie savait qu’Angélique Des Meloizes n’était pas capable de cet amour véritable, qui met son bonheur à faire le bonheur des