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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/139

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le chien d’or

racontaient longuement. Aussi, madame de Tilly commençait-elle à se sentir un peu fatiguée.

Elles étaient riches et fashionables, connaissaient parfaitement les lois de l’étiquette, portaient toujours de charmants costumes et choisissaient bien leurs amies. Elles recherchaient l’amitié de madame de Tilly. En effet, par son rang et sa position, cette femme conférait en quelque sorte les meilleures lettres de noblesse.

Les rumeurs de la ville, en passant par la bouche de mesdames Couillard et de Grandmaison, atteignaient la perfection. C’était l’idéal du genre. Finement insinuantes, elles blâmaient avec réserve et douceur, ne tarissaient point en éloges, et ne se trompaient jamais.

Elles s’acquittèrent consciencieusement d’un grand devoir moral et social en mettant madame de Tilly au courant des scandales récents et des secrets nouveaux de la capitale.

Elles glissèrent sur des sujets scabreux avec la légèreté des patineurs sur la glace, et leur amie tremblait qu’elles n’enfonçassent à chaque instant. Mais elles étaient trop bien exercées à la gymnastique de la langue, pour perdre l’équilibre. En une heure, la moitié de la ville fut passée au crible.

Madame de Tilly écoutait ces discours frivoles avec impatience ; mais elle connaissait trop bien la société pour lui chercher noise à cause de ses folies, quand du reste, cela eut été inutile.

Elle se consola en pensant que le mal n’était peut-être pas si grand que cela. Il y avait des gens qui ne trouvaient pas le pape assez catholique ; pour sa part, elle trouvait le peuple généralement meilleur qu’on ne le disait.

IV.

Amélie fut tout à coup tirée de sa rêverie par une exclamation subite de madame de Grandmaison.

— Comment, madame de Tilly ! disait-elle, vous n’irez pas au bal de l’Intendant, au palais ! et made-