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le chien d’or

saient la place au galop et se dirigeaient vers le château. L’un de ces officiers était son frère ; elle le reconnut à l’instant. Mais l’autre, ce beau cavalier en uniforme, sur son cheval gris fougueux, qui était-il ? Ah ! son cœur le devinait : ce ne pouvait être que le colonel Philibert !

Elle les vit passer sous la grande porte cochère et un frémissement presque douloureux agita son âme remplie de joie. Elle était contente de les voir se rendre au château ; cela lui donnait un moment de répit. Elle pourrait rassembler ses idées et ramasser tout son courage pour l’entrevue prochaine. Ses doigts se promenèrent sur le chapelet caché dans les plis de sa robe, et les grains d’or qui avaient roulé si souvent des prières pour le bonheur de Pierre Philibert, les grains d’or bénis lui parurent brûlants comme du feu. La pourpre colora son front, car une pensée étrange lui vint tout à coup : Pierre Philibert, jeune garçon dont elle avait tant caressé, dans son innocence, l’image et le souvenir, Pierre Philibert était aujourd’hui un homme, un soldat, un conseiller élevé dans les cours et les camps. Comme elle n’avait pas été sage d’oublier cela dans ses prières d’enfant ! Je n’ai pas eu de mauvaise intention, pensa-t-elle pour se justifier.

VII.

Elle n’eut pas le temps de faire de plus longues réflexions ; le cheval gris sortait de la cour du château. Le colonel ne s’était arrêté qu’une dizaine de minutes, le temps de voir le gouverneur et de lui communiquer la réponse de l’Intendant. Il revenait accompagné de Le Gardeur et du vieux de La Corne St-Luc. Tous trois se dirigèrent vers le haut de la place et vinrent descendre à la porte de la maison de madame de Tilly.

Amélie, cachée derrière les épais rideaux de sa fenêtre, reposa alors sur cet homme superbe, magnifique, qui était Pierre Philibert, un regard plus avide et plus perçant que le regard du lynx fabuleux