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le chien d’or

est souvent la triste destinée de la femme du soldat !

— Une larme tremblait dans les cils épais du vieux militaire. — Mais c’est la fortune de la guerre, ajouta-t-il, Et à la guerre, la plus cruelle fortune est la meilleure.

Madame de Tilly porta la main à son cœur pour comprimer son émotion.

— Hélas ! chevalier, dit-elle, les pauvres veuves ! je comprends ce qu’elles ont souffert ! Oui, la guerre a de terribles conséquences, moi aussi je le sais.

— Et que sont devenues ces infortunées ? demanda Amélie tout en pleurs.

Elle aimait ses ennemies, c’était dans son loyal caractère, et personne ne pouvait les aimer plus qu’elle.

— Oh ! nous en avons pris tout le soin possible. Le baron de St-Castin les a gardées dans son château tout l’hiver, et sa fille les a traitées avec un soin, un zèle, une tendresse, qui n’appartiennent qu’aux saints du ciel. Une noble, une adorable fille, va ! Amélie ! la plus belle fleur de l’Acadie, et la plus infortunée… pauvre enfant ! que la bénédiction du Seigneur descende sur elle en quelque lieu qu’elle soit !

IV.

Rarement de La Corne St-Luc avait parlé d’une façon aussi touchante. Il était fort ému.

— Comment est-elle si infortunée, parrain ?

Philibert regardait s’animer la figure et frissonner la paupière de la belle jeune fille, à mesure qu’elle parlait. Son cœur était tout dans son regard.

— Hélas ! répondit de La Corne, j’aimerais mieux ne pas répondre ! j’ai peur de douter du gouvernement moral de l’univers. Mais nous sommes des créatures aveugles, et les voies de Dieu ne nous sont point connues. Que personne ne se vante d’être fort, de crainte qu’il ne tombe ! Nous avons besoin du