Aller au contenu

Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
le chien d’or

vases chinois, des fleurs nouvellement cueillies, exhalaient de suaves parfums et ravissaient les yeux. Elles faisaient, en quelque sorte, disparaître dans un rayon de poésie, la grossièreté des aliments matériels. Sur un grand buffet, merveille de l’ébénisterie, s’étalait la vaisselle de famille, et au-dessus, pendu à la muraille, étincelait un grand bouclier d’argent bosselé, aux armes de Tilly, don précieux de Henry de Navarre.

Malgré les trifourchettes et les doubledents, Félix Beaudoin n’avait pas mal réussi, en effet, à sauver un excellent dîner pour sa maîtresse. Madame de Tilly regarda le chevalier comme pour approuver la remarque qu’il venait de faire au sujet du vieux serviteur.

Elle se tint debout à la tête de la table, jusqu’à ce que tous furent placés ; alors, joignant les mains, elle récita d’une voix onctueuse et claire le bénédicité.

Benedic, Domine, nos et hæc tua dona, dit-elle, implorant la bénédiction du Seigneur sur la table et sur ses convives.

VI.

Dans la Nouvelle-France, c’était toujours par une soupe riche et succulente que le dîner commençait. La soupe fut donc servie. On apporta ensuite un saumon de la rivière Chaudière ; puis, un plat fumant de truites tachetées de pourpre, pêchées dans les rivières qui descendent des montagnes de St. Joachim. Il y avait des corbeilles de filigrane d’argent remplies de petits pains de blé gracieusement pliés. En ces temps-là, les champs se couvraient chaque année de riches moissons de froment. La Providence ne veut plus qu’il en soit ainsi maintenant. « Le blé s’en est allé avec les lys des Bourbons et il n’est jamais revenu, » disaient les vieux habitants.

Les dignes censitaires avaient mangé avec appétit toute la viande de la dépense, sauf un chapon qui venait de la basse-cour de Tilly et un magnifique