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le chien d’or

drame de sang dont elle garde seule le triste souvenir.

Un chien couché ronge un os humain. Au-dessus et au-dessous de ce chien, creusée dans la pierre, comme si les générations futures devaient lire et méditer ses avertissements mystérieux, on peut lire cette fatidique inscription :

Je suis un chien qui ronge l’o,
En le rongeant je prend mon repos.
Un temps viendra qui n’est pas venu,
Que je morderay qui m’aura mordu.

II.

Dans les magasins du bourgeois Philibert, venaient s’entasser presque tous les articles de commerce de la Nouvelle-France. Les balles de fourrures qu’avaient apportées, des régions lointaines du Nord-Ouest, des flottes de légers canots : Peaux du castor timide, de la loutre gentille, du renard noir et argenté, toutes si riches d’aspect et si douces au toucher, toutes tant désirées par les orgueilleuses beautés de partout ! Peaux de veaux-marins pour garnir les toges des gros bourgmestres, et d’hermines pour border les manteaux des nobles et des rois. Dépouilles des loups, des ours, des bisons, rendues moelleuses comme l’étoffe par le travail des Indiennes. Peaux destinées à assurer la chaleur et le confort aux rapides traîneaux, quand l’hiver arrive, que les vents du nord-est soulèvent, comme une poussière d’argent, les tourbillons de neige, ou que, dans leur marche glorieuse, les aurores boréales s’avancent comme une armée de lanciers, sous le ciel froid du nord.

Et puis, tous les produits de la colonie : le blé, la laine, le lin, le bois de construction, le fer des forges royales des Trois-Rivières, le ginseng des forêts, qui valait son poids d’or, et pour lequel les Chinois donnaient leur thé, leurs soies et leur argent.

Le bourgeois aurait pu bâtir une flotte entière avec le bois qu’il avait sur les quais et les rivages