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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/180

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le chien d’or

ses mains dans les siennes et lui jura une éternelle fidélité. Son serment fut irrévocable.

Un officier du roi, le comte Philibert, frère aîné du bourgeois, fut témoin de cette scène touchante. Il eut pitié de la pauvre enfant, et l’amena dans sa famille, où elle demeura toujours. Le Bourgeois succéda à son frère mort sans enfants ; puis la maison fut ruinée. L’orpheline ne voulut pas se séparer de ses bienfaiteurs tombés dans l’infortune, et elle les suivit dans la Nouvelle-France. Elle avait été la fidèle amie de madame Philibert, dont elle avait élevé les enfants. Maintenant, sur ses vieux jours, elle était la sage confidente du Bourgeois, et gouvernait sa maison. Son temps se partageait entre ses devoirs religieux et les soins du ménage. Bien que la lumière surnaturelle qui l’éclairait n’arrivât à elle que par l’étroite fenêtre d’une croyance étroite, cette lumière gardait encore quelque chose de sa divine origine. Sa joie était satisfaite, et elle possédait la résignation, l’espérance et la tranquillité.

Ses livres préférés étaient la bible, les hymnes de Marot et les sermons du célèbre Jurieu. Elle avait entendu les prophéties de la Grande Marie, et reçu le souffle inspirateur de De Serre, le prophète huguenot, au sommet du mont Peira.

Elle croyait bien maintenant que parfois encore s’éveillait cette faculté de lire dans l’avenir, dont sa jeunesse avait été douée. C’était peut-être les révélations d’un grand sens naturel et d’une vive intelligence, les gages d’une âme pure.

Les persécutions que l’on fit souffrir aux calvinistes des Cévennes, firent naître chez ces gens le fanatisme du désespoir. De Serre fut suivi d’une foule immense. Il prétendait donner aux croyants, en soufflant sur eux, le Saint Esprit et le don des langues. Des exilés ont apporté ses doctrines en Angleterre ; leurs singulières idées se sont perpétuées jusqu’à nos jours. On peut voir encore une secte qui croit au don des langues et prophétise selon qu’il fut enseigné autrefois dans les Cévennes.