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LE CHIEN D’OR

de permettre à un abbé de prendre part aux délibérations.

Il y avait là un féroce disciple de La Serre.

— Le maréchal de Belleisle ne permettait pas même au cardinal Fleury, dit-il, de montrer ses bas rouges dans un conseil de guerre, et ici nous souffrons que tout un troupeau de robes noires s’en vienne se mêler à nos uniformes. Que dirait Voltaire.

II.

L’armée n’aimait pas l’abbé Piquet, parcequ’il faisait tout en son pouvoir pour empêcher les troupes françaises de s’introduire dans ses missions. Elles démoralisaient les néophytes. Il déployait un grand zèle pour la répression des abus, et les officiera qui, pour la plupart, avaient des intérêts dans le trafic lucratif des liqueurs, se plaignaient amèrement de l’autorité qu’il s’arrogeait.

Le fameux missionnaire du roi remarqua bien l’air de dédain de quelques officiers. Il se leva. Son maintien, digne et imposant, proclamait qu’il avait le droit d’être là et de parler.

Avec son front haut et basané, son œil vif, son air résolu, il aurait bien porté le chapeau à plume de maréchal. Dans sa soutane noire aux larges plis, il ressemblait à ces graves sénateurs de Venise, qui n’hésitaient jamais à remplir un devoir, si pénible qu’il fût, lorsque le salut de l’État le demandait.

Il tenait à la main un rouleau de wampum. C’était le gage des traités de paix qu’il avait conclus avec les tribus indiennes, et le signe par lequel elles promettaient alliance et secours au grand Ononthio, comme elles appelaient le gouverneur de la Nouvelle-France.

III.

— « Monseigneur le gouverneur, commença l’abbé, en déposant le rouleau sur la table, je vous remercie de l’honneur que vous faites aux missionnaires, en les admettant au conseil. Ce n’est pas en qualité de