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LE CHIEN D’OR

VIII.

Il aurait mieux valu que l’Intendant et Angélique Des Meloises se fussent expliqués franchement.

Bigot oubliait qu’il était venu pour arranger, dans l’intérêt de la compagnie, un mariage entre cette jeune fille et Le Gardeur. Il s’éprenait aux charmes de l’enchanteresse. Elle était plus forte que lui maintenant avec ses grâces et ses séductions, car il était l’homme du plaisir. Tantôt, quand il reviendra l’homme de tact et le cœur de pierre, il sera peut-être plus fort qu’elle.

— Par Dieu ! pensa-t-il, je m’oublie ; elle se joue de moi !

Je n’ai rencontré sa pareille ni à Paris ni à Naples…

L’homme qui l’aura, pourtant, s’il est habile, pourra devenir premier ministre de France !…

Imaginez un peu ! je viens ici tirer du feu ce joli marron pour mon ami Le Gardeur. Bigot, où s’en va ta galanterie ? Tu me fais rougir !

Ces idées lui trottèrent par l’esprit ; mais il dit tout autre chose.

— La dame de Beaumanoir n’est pas ma femme, répondit-il, elle ne le sera peut-être jamais.

— Peut-être ! répéta Angélique fièrement.

— Peut-être dans la bouche d’une femme, c’est presque un consentement ; dans la bouche d’un homme, c’est bien vague. L’amour ne répond point par des « peut-être, » fussent-ils mille fois répétés.

— Et comme cela vous épouseriez peut-être un trésor de la forêt ? reprit Angélique en tourmentant le gazon du bout de son joli pied.

— Cela dépend, mademoiselle… Si vous étiez ce trésor, il n’y aurait plus de peut-être.

Bigot parlait crûment, il avait l’air sincère.

Angélique entrevit la réalisation de ses rêves extravagants ; elle frémit de plaisir, et pardonna l’allusion familière.

Deux mains se joignirent alors comme pour un serment. La main de mademoiselle Des Meloises