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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/28

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le chien d’or

cadie ; il avait vu la désolation et le martyre sanglant de cette belle colonie perdue pour la France ; mais à grand Pré et au Bassin des Mines, il avait eu la gloire de faire prisonnière toute une armée de la Nouvelle-Angleterre. Le vieux et rude soldat était tout sourire et tout gaieté, maintenant qu’il conversait avec monseigneur de Pontbriand, le vénérable évêque de Québec, et le père de Berey, supérieur des Récollets.

L’évêque était un pasteur qui gouvernait sagement son église et un citoyen qui aimait passionnément son pays. Il sentit son cœur défaillir lorsque Québec se rendit aux Anglais, et il mourut quelques mois seulement après la cession définitive de la colonie.

Le père de Berey, joyeux moine, portant la robe grise et les sandales des Récollets, était, il faut le dire, encore plus renommé par son esprit que par sa piété. Il avait été soldat, autrefois, et il portait sa robe comme il avait porté l’uniforme, avec la dignité d’un officier de la garde royale. Mais le peuple l’aimait surtout à cause des joyeuses plaisanteries dont il ne manquait pas d’accompagner son admirable charité. Chaque jour, c’était une nouvelle provision de bons mots qui faisaient rire et amusaient toute la colonie, sans amoindrir en aucune façon le respect qu’elle avait pour les Récollets.

Le père Glapion, supérieur des Jésuites, accompagnait aussi l’évêque. Sa soutane noire et serrée à la taille formait un contraste piquant avec la robe grise et flottante du Récollet. C’était un homme pensif, à l’aspect sévère, qui semblait plus soucieux d’édifier les gens que de prendre part à une conversation. De graves dissentiments existaient alors entre les Jésuites et l’Ordre de Saint François ; mais les supérieurs des deux maisons étaient trop hommes de bon ton, pour laisser percer chez eux les différends qui se manifestaient chez leurs subordonnés.

Il y avait, à ce moment-là, du mouvement et de la vie sur les longues fortifications. On voyait maintenant s’éteindre les feux qui avaient éclairé les travail-