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LE CHIEN D’OR

courir dans leurs veines. La joie bruyante se calma, la superstition avait encore à cette époque un grand empire sur les esprits.

Le docteur s’assit et essuya les verres de ses lunettes.

— Je n’ai plus rien à dire ce soir, affirma-t-il. J’ai même été trop loin. J’ai badiné avec des choses sérieuses et j’ai pris au sérieux des badinages. Je vous demande pardon, Jumonville, de m’être plié à vos fantaisies.

Le jeune soldat se mit à rire de bon cœur.

— Si la renommée, l’amour et l’immortalité doivent être mon lot ici-bas, pourquoi redouterais-je la mort ? remarqua-t-il. Le plus ambitieux des soldats ne désire rien de plus ! Rien que pour être pleuré des femmes de la Nouvelle-France, je voudrais mourir ! et cela en vaut bien la peine ! dit-il en regardant Hortense.

Les paroles de Jumonville se gravèrent à jamais dans l’âme d’Hortense de Beauharnois et la remplirent d’une douce et triste ivresse.

XVI.

Quelques années plus tard, Jumonville de Villiers tombait sur les bords de la Monongahéla, sous les plis du drapeau blanc.

Et parmi les filles de la Nouvelle-France qui pleurèrent sa destinée, nulle ne versa des larmes plus amères que sa tendre et belle fiancée, Hortense de Beauharnois.

Les prédictions du sieur Gauthier se redirent partout alors comme une histoire étrange et vraie. Elles passèrent dans les traditions populaires. Elles se racontaient encore et le souvenir des fêtes de Belmont était perdu depuis longtemps !

La Nouvelle-France n’avait ni oublié, ni pardonné la mort du brave Jumonville, quand eut lieu la grande révolte des colonies anglaises. Le congrès fit alors un vain appel aux Canadiens. Les proclamations de Washington furent foulées aux pieds, ses