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le chien d’or

tressaillaient comme son cœur. Les stances de la divine poésie tintaient à ses oreilles comme des cloches d’argent, et dans sa mémoire revenait ces vers :


Amer ch’al cor gentil ratto s’apprende.
Amer ch’a null amato amar perdona,
Questi che mai da mi non fia diviso.
Tu brûles et ravis les cœurs, ô doux amour !
Tu veux être payé d’un fidèle retour.
Dans la vie ou la mort, rien, ô bonheur suprême !
Ne me séparera plus de l’objet que j’aime !

II.

— L’amour, pensait-elle, l’amour est la mort comme il est la vie, la séparation comme la réunion !…

Elle était attendrie et tremblante ; elle n’aurait pas osé, pour tout au monde, lever les yeux sur Philibert.

Elle voulut faire semblant de s’éloigner, mais une force invincible la clouait sur son siège.

— Ne lisez plus, dit-elle à Pierre ; ce livre est trop triste et trop beau… Je crois qu’il a été fait par un esprit qui a vu tous les mondes, connu tous les cœurs, et partagé toutes les souffrances. Il me semble la voix d’un prophète de malheur.

— Amélie, répliqua Philibert, pensez-vous qu’il y ait des femmes aussi aimantes et aussi fidèles que Francesca da Rimini ? Elle n’a pas voulu se séparer de Paulo, même dans les sombres régions du désespoir. Croyez-vous qu’il se trouve de pareilles femmes ?

Amélie le regarda un instant. L’émotion agitait vivement sa poitrine et colorait sa figure. Elle savait bien quelle réponse faire, mais elle avait peur de paraître téméraire. Cependant cette pensée lui vint : « je dois être en état de répondre à toutes ses questions. »

Et elle dit avec lenteur et fermeté :

— Je crois, Pierre, qu’il y a, en effet, des femmes comme Francesca, qui ne voudraient jamais se sé-