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le chien d’or

IV.

Angélique fut universellement acclamée comme la reine du bal. Par sa toilette, par sa beauté, par ses grâces elle était la première, et nulle ne songea à lui disputer le premier rang. Elle ne craignait aucune rivale. La seule qu’elle redoutât était à Beaumanoir. Elle sentait sa supériorité et trouvait ses délices à faire naître l’envie et la jalousie. Elle se souciait fort peu de l’opinion et du jugement des femmes et recherchait hardiment les hommages des hommes.

Cependant, nonobstant les sourires charmants et les badinages agréables qu’elle semait à profusion autour d’elle, son cœur n’était point satisfait, son esprit n’était point calme, et un vif mécontentement la torturait. Elle était fâchée contre elle-même, ce qui rendait son dépit plus amer. Elle ne regrettait pas absolument d’avoir rejeté les vœux de Le Gardeur ; elle avait agi délibérément ; mais elle attendait encore le prix de son action, et rien ne faisait prévoir qu’elle allait bientôt le recevoir.

Elle avait agi à sa guise avec tous les hommes, ne suivant que sa fantaisie, et maintenant, elle se trouvait en face d’un homme qui agissait de même envers toutes les femmes, même envers elle.

Elle essayait de lire dans la figure de l’Intendant, mais elle y perdait ses peines ; c’était un livre indéchiffrable. Elle s’efforçait de sonder ses pensées, ses intentions, et c’était inutile, comme ces pierres que les voyageurs jettent dans une mystérieuse caverne de l’ouest pour en atteindre le fond. Les pierres tombent, tombent, et ils entendent, sur les parois ténébreuses, les chocs de plus en plus légers, mais jamais ils ne savent quand elles touchent le fond de l’abîme.

V.

Bigot l’admirait, bien sûr, et la recherchait beaucoup. Il avait pour elle toutes sortes d’attentions et