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le chien d’or

a fait mettre sur le devant de sa maison, comme une perpétuelle menace à l’Intendant, paraît-il, cette tablette du chien d’or que tu connais. L’acte d’un homme hardi s’interprète de lui-même.

IV.

— J’entends tout le monde parler avec respect du bourgeois Philibert, repartit Amélie. Tante de Tilly qui n’est point prodigue de ses compliments dit que c’est un vrai gentilhomme, bien qu’il soit commerçant.

— Comment ! sans doute, il est d’origine noble, je le sais ! ce qui n’empêche pas qu’il ait obtenu un permis du roi, pour faire, comme d’autres gentilshommes, le commerce dans la colonie. En Normandie, c’était le comte Philibert ; à Québec, c’est un bon bourgeois, c’est un homme sage aussi, car, après tout, avec ses vaisseaux, ses comptoirs et ses livres, il est devenu le plus riche habitant de la Nouvelle-France, pendant que nous, avec notre noblesse et nos épées, nous avons lutté pour conquérir la pauvreté, et nous recueillons le mépris des ingrats courtisans de Versailles.

V.

La conversation fut interrompue par un brusque mouvement de la foule qui s’écartait pour laisser passer le régiment du Béarn. Ce régiment faisait partie de la garnison de Québec et se rendait à ses exercices du matin, ou s’en allait monter la garde. Il se composait d’intrépides et bouillants gascons, en uniformes bleu et blanc, avec le casque haut sur la tête et sur le dos, la tresse de cheveux attachée de rubans. En avant marchaient, tout galonnés, tout chamarrés, les officiers à cheval. Les sous-officiers avec leurs espontons, et les sergents avec la hallebarde alignaient la longue file des étincelantes baïonnettes. Les fifres et les tambours firent de nouveau retentir les rues, et alors, pour rendre hommage aux jeunes filles qui regardaient d’un œil ravi le brillant