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le chien d’or

quelquefois, Bigot, reprit-elle ; mais ici les rôles sont intervertis ; c’est moi qui vais être la victime si je ne réussis point à obtenir ce que je sollicite… j’en deviendrai folle !

— Ayez donc confiance en moi, mon Angélique ! Écoutez ! je vous jure que des raisons d’État se mêlent à cette affaire d’amour. Le père de cette femme a de puissants amis à la cour et je ne saurais agir avec trop de prudence. Donnez-moi votre main ; soyons amis, je ferai tout en mon pouvoir pour que vos désirs aient une prompte réalisation. Je ne puis rien faire de plus.

VI.

Angélique lui donna la main. Elle avait perdu la partie, cette fois, et elle cherchait déjà, dans son esprit fertile en expédients, un autre chemin pour arriver à son but.

— Je regrette beaucoup, Bigot, commença-t-elle, de m’être si vilainement emportée, tout à l’heure, et d’avoir osé vous frapper de cette main… si faible pourtant.

Et elle sourit en étendant, comme pour la faire admirer, sa main fine et nerveuse.

— Pas si faible que cela ! riposta Bigot joyeusement ; peu d’hommes touchent aussi bien. Vous m’avez frappé au cœur, Angélique.

Il lui saisit la main et la porta à ses lèvres. Si la malheureuse Didon avait eu une main pareille, jamais l’insensible Énée n’aurait pu trahir ses serments et s’enfuir.

— Parjure ! voyez comme je vous tiens !

De ses gentils doigts de fer elle essayait de rompre la main de son amoureux.

— Si vous étiez femme, je crois que je vous tuerais, continua-t-elle ; mais vous êtes homme et je vous pardonne… et je me fie à vos promesses ! Pauvres folles que nous sommes ! c’est toujours ainsi que nous faisons.