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le chien d’or

— Chevalier de Péan, vous affirmez qu’il n’a d’autre ennemi que lui-même. Eh bien ! faites-le venir ; je le protégerai, moi, entendez-vous ?

De Péan jeta un regard vers l’Intendant.

— Pardon, mademoiselle, reprit-il, l’Intendant ne vous a-t-il jamais parlé du départ subit de Le Gardeur !

— Jamais. Il vous en a parlé, à vous, que vous a-t-il dit !

— Il m’a dit que vous auriez pu le retenir, et il vous a blâmée de ne l’avoir pas fait.

IX.

De Péan soupçonnait Angélique d’avoir voulu soustraire Le Gardeur aux griffes de la Grande Compagnie et en particulier aux siennes, mais il faisait erreur. Angélique aimait Le Gardeur pour elle-même surtout, et elle l’aurait volontiers exposé à tous les dangers de la ville, pour lui faire éviter les dangers bien plus grands de la campagne, — ces dangers, c’étaient les rencontres avec la charmante Héloïse de Lotbinière. — Elle ne voulait pas l’épouser, mais elle ne voulait pas davantage le laisser à une autre.

De Péan se trouvait passablement embarrassé. Il allait obéir à la capricieuse fille, pourtant.

Bigot survint alors. Il venait de finir une partie de cartes.

Angélique lui fit une place à côté d’elle. Puis tout à coup, elle redevint vive et joyeuse, comme une fauvette qui chante dans le feuillage.

De Péan se retira discrètement.

Bigot ne songeait plus à la pauvre recluse de Beaumanoir, ni à la querelle qu’il avait eue tout à l’heure. Il oubliait tout devant Angélique, ce démon de femme qui voulait le subjuguer. L’enivrement dont il jouissait mettait comme un rayon de lumière sur sa figure. Angélique pensa que son triomphe était proche et elle déploya toutes les ressources de sa coquetterie.