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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/490

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le chien d’or

un serpent pour l’enlacer. Devant la porte, un petit clos de verdure en désordre, mal cultivé ; des plantes aromatiques avec des mauvaises herbes : de la barbane, du fenouil odorant, des chardons, du stramonium infect. Tout cela, entouré d’un petit mur de cailloux entassés au hasard et sans mortier. Au milieu de ce clos s’élevait un arbre et sous cet arbre, dans un vieux fauteuil, une vieille femme morose et songeuse. C’était Marie Josephte Dodier surnommée la Corriveau.

La Corriveau était grande, droite, basanée. Elle avait les cheveux et les yeux extrêmement noirs. Ses traits n’étaient pas repoussants ; elle avait été belle un jour ; ses regards n’avaient rien de désagréable, au repos, quand ils n’étaient point chargés de haine. Ses lèvres minces et cruelles ne riaient jamais, excepté à l’aspect du gain.

XIV.

Lorsque Fanchon arriva dans le petit enclos, la Corriveau portait une robe d’étoffe brune, découpée avec un goût remarquable. Elle tenait de sa mère ce reste d’amour de la toilette et de la propreté. Des souliers assez petits la chaussaient presque coquettement ; comme une dame, disaient les habitants. Elle ne traînait jamais de sabots et n’allait jamais nu pieds comme la plupart des autres femmes. Elle était fière de ses pieds et se disait avec amertume et regret qu’ils auraient pu faire sa fortune, ailleurs qu’à St. Valier.,

Elle était là, la tête basse et songeuse, ne s’apercevant pas de la présence de sa nièce, qui la regardait et n’osait parler. Elle avait un air dur, redoutable. Ses doigts, pendant qu’elle songeait ainsi, obéissaient à des mouvements vifs, nerveux, comme si elle eut joué à la mora avec quelque mauvais génie. Exili, son aïeul, faisait aussi cet involontaire mouvement des doigts, et les gens disaient qu’ils jouaient à la mora avec le diable son fidèle compagnon.