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le chien d’or

— Que t’est-il arrivé, Angélique, dit-elle enfin, pourquoi douterais-tu de tes charmes, t’auraient-ils donc, une fois enfin, été inutiles ?

De tels charmes sont toujours vainqueurs, aurait probablement répondu un homme qui, une fois, deux fois, trois fois même, aurait vu Angélique Des Meloises. Elle était en effet ravissante à voir. Grande, voluptueusement façonnée, parfaite de formes, pleine d’aisance et de grâces dans ses mouvements ; elle n’était pas, comme Amélie, transformée par les vertus de l’âme, mais comme les femmes enchanteresses de la fable qui forçaient les dieux mêmes à descendre de l’olympe, toute pétrie de ces charmes matériels qui poussent les hommes à l’héroïsme le plus grand ou au crime le plus infâme.

Elle avait cette beauté qui n’apparaît qu’une ou deux fois dans un siècle pour réaliser les rêves d’un Titien ou d’un Giagione. Son teint était clair et radieux comme si elle fût descendue du Dieu Soleil. Sa chevelure brillante serait tombée jusqu’à ses genoux si elle en eut défait les boucles d’or. Sa figure aurait été digne d’être immortalisée par le Titien. Son œil noir et fascinateur était invincible. Jamais son regard n’était plus dangereux que, lorsqu’après un repos apparent ou une feinte indifférence, il lançait tout à coup à travers ses cils soyeux, comme la flèche du Parthe, un rayon plein de volupté. Alors la blessure saignait pendant plus d’un jour !…

Choyée et gâtée, l’enfant du brave et insouciant Renaud d’Avesne Des Meloises, d’une ancienne famille du Nivernois, Angélique, grandit sans mère, plus rusée que toutes ses compagnes, consciente de ses appas, et toujours flattée, toujours cajolée. Plus tard, après la sortie du couvent, elle fut adorée comme une idole par les galants de la ville, au grand déplaisir des autres jeunes filles.

Elle était née pour régner sur le cœur des hommes et elle le savait. C’était son droit divin. Elle effleurait la terre d’un pied mignon qui voulait peut-être,