Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
le chien d’or

— Que m’importe ? répondit l’insouciante beauté ; il est comme Joseph en Égypte ; il n’y a que Pharaon, au-dessus de lui. Il peut mettre des fers d’or aux pieds de ses chevaux. Je voudrais qu’il me chaussât de pantoufles d’or ; je les porterais, Amélie.

Et elle frappa la terre de son pied mignon, comme s’il eut porté les idéales chaussures.

— Si tu penses ce que tu dis, tu devrais rougir, répondit Amélie avec un accent de pitié, car elle croyait que son amie était sincère. Est-il vrai, continua-t-elle, que l’Intendant soit aussi dépravé qu’on le dit ?

— Je me soucie peu de cela : il est noble, galant, riche, poli et tout puissant à la cour. On dit même qu’il est le favori de la marquise de Pompadour ! Que voudrais-je de plus ? repartit Angélique avec chaleur.

V

Amélie, qui connaissait assez le nom de la maîtresse de Louis XV, recula instinctivement comme à la vue d’un serpent venimeux. Elle tremblait en songeant que son amie allait, dans sa vanité ou sa perversité, se laisser éblouir par les vices éclatants de l’Intendant royal.

— Angélique ! s’écria-t-elle, j’ai entendu raconter de telles choses de l’Intendant que je tremblerais pour toi si tu étais sérieuse.

— Mais je suis sérieuse. Je veux conquérir et mettre à mes pieds l’Intendant de la Nouvelle-France, pour montrer ma valeur à toutes ces jeunes beautés qui se disputent sa main. Il n’y a pas une jeune fille dans Québec qui ne serait prête à le suivre partout dès demain.

— Oh ! calomnier ainsi notre sexe ! quelle horreur ! Angélique ! Tu sais mieux que cela. Et tu ne l’aimes pas ?

— L’aimer ? fit de nouveau mademoiselle Des Meloises, avec dédain, l’aimer ? Non ; je n’ai jamais songé à cela. Il est loin d’être beau comme ton frère Le Gardeur, qui est mon idéal ; il n’a ni l’intelli-