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Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/201

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accepte avec plaisir les mauvais traitements, c’est de ces deux éléments, disons-nous, dont les causes peuvent être ramenées jusqu’au domaine des faits physiologiques, que le masochisme tire son origine, quand il trouve un terrain psychopathique propice et que l’hyperesthésie sexuelle amène jusqu’au degré morbide de la perversion les circonstances physiologiques et anormales de la vita sexualis[1].

En tout cas, le masochisme, en tant que perversion sexuelle congénitale, représente aussi dans le tableau de l’hérédité un signe de dégénérescence fonctionnelle, et cette constatation clinique a été en particulier confirmée par mes propres observations de masochisme et de sadisme.

Il est facile de prouver que cette tendance psychiquement anormale et particulière par laquelle le masochisme se manifeste, représente une anomalie congénitale ; elle ne se greffe pas sur l’individu porté à la flagellation, par suite d’une association d’idées, comme le supposent Rousseau et Binet.

Cela ressort de ces cas nombreux, même de la majorité de ces cas, où la flagellation n’est jamais venue à l’idée du masochiste, mais où le penchant pervers visait exclusive-

  1. Quand on voit, ainsi que cela a été démontré plus haut, que la « servitude sexuelle » est un phénomène qui a été constaté bien plus fréquemment et avec une intensité plus grande dans le sexe féminin que dans le sexe masculin, la conclusion s’impose : que le masochisme (sinon toujours, du moins habituellement) est un legs de la « servitude » des ascendants féminins. De cette façon, il entre en rapport, bien qu’éloigné, avec l’inversion sexuelle, en raison de ce fait qu’une perversion qui devrait être particulière à la femme, se transmet à l’homme. Cette manière d’envisager le masochisme comme une inversion sexuelle rudimentaire, comme une effeminatio partielle qui, dans ce cas, n’atteint que les traits secondaires du caractère de la vita sexualis (manière de voir que j’ai déjà, dans la 6e édition de cet ouvrage, exprimée d’une façon très nette), est encore corroborée par les dépositions des malades des observations 44 et 49, citées plus haut, et dont les sujets sont aussi marqués d’autres traits d’effémination, tous les deux désignant comme leur idéal une femme relativement plus âgée qui les aurait recherchés et conquis.

    Il faut cependant noter le fait que la sujétion joue aussi un rôle considérable dans la vita sexualis masculine, et que, par conséquent, le masochisme peut s’expliquer sans l’hypothèse de la transmission des éléments féminins à l’homme. Il ne faut pas oublier non plus, à ce propos, que le masochisme et son opposé le sadisme se rencontrent quelquefois en combinaisons irrégulières avec l’inversion sexuelle.