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Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/266

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se rhabilla en femme, et chercha dorénavant à gagner son pain par des occupations féminines. On l’a arrêtée pour vol et, par suite de crises hystéro-épileptiques, on l’a transportée à l’hôpital.

Là on découvrit chez elle des penchants pour son propre sexe. La malade devint importune par ses poursuites après les gardes-malades féminines et ses camarades d’hôpital.

On prit son inversion sexuelle pour une perversion acquise. La malade a donné à ce sujet d’intéressantes explications qui ont rectifié l’erreur.

On porte sur moi, dit-elle, un jugement erroné, quand on croit qu’en présence du sexe féminin, je me sens homme. Au contraire, dans ma manière de penser et de sentir, je me conduis en femme. J’ai aimé mon cousin comme une femme est capable d’aimer un homme.

Le changement de mes sentiments a pris naissance par le fait qu’à Budapest, déguisée en homme, j’eus l’occasion d’observer mon cousin. Je vis combien il m’avait trompée. Cette constatation m’a causé une grande douleur d’âme. Je savais que jamais je ne serais plus capable d’aimer un homme, car je suis de celles qui n’aiment qu’une fois dans leur vie. Puis, en compagnie de mes collègues de chemin de fer, je fus obligée d’écouter les conversations les plus choquantes et de fréquenter les maisons les plus mal famées. Ayant ainsi pu entrevoir les menées du monde masculin, je conçus une aversion invincible pour les hommes. Mais, comme je suis d’un naturel passionné et que j’éprouve le besoin de m’attacher à une personne aimée et de me donner entièrement, je me sentis de plus en plus attirée vers les femmes et les filles qui m’étaient sympathiques, et surtout vers celles qui brillaient par leurs qualités intellectuelles.


L’inversion sexuelle, évidemment acquise, de cette malade se manifestait souvent d’une manière impétueuse et très sensuelle ; elle a gagné du terrain par la masturbation, une surveillance permanente dans les hôpitaux ayant rendu impossible toute satisfaction sexuelle avec des personnes de son propre sexe. Le caractère et le genre d’occupation sont restés féminins. Elle ne présentait pas les caractères de la virago. D’après les communications que l’auteur vient de recevoir, la malade, après un traitement de deux ans à l’asile, a guéri de sa névrose et de sa perversion sexuelle.