Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/378

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leur état changer. Comme, selon mon opinion et celle des autres tantes, cet état congénital ne peut guère être influencé par rien, nous n’avons qu’un espoir, c’est de voir un jour modifier les articles du Code dans ce sens que le viol ou la provocation au scandale public, quand ils sont constatés simultanément, pourraient être poursuivis par la loi ».


OBSERVATION 116 (Inversion sexuelle chez une femme.) – S… I…, trente-huit ans, institutrice, m’a consulté pour des souffrances nerveuses. Le père fut passagèrement aliéné ; il est mort d’une maladie du cerveau. La malade est une enfant unique. Déjà, dans sa première jeunesse, elle souffrait de sentiments d’angoisse et d’idées qui la tourmentaient, par exemple, qu’elle se trouvait dans un cercueil et qu’elle s’éveillerait après qu’on l’aurait fermé, qu’elle avait oublié de dire quelque chose à confesse et qu’elle ne serait pas digne de la communion. Elle souffrait beaucoup de maux de tête, était très émotionnable, peureuse, mais avait tout de même des impulsions à voir des choses émouvantes, par exemple des cadavres.

Dès sa plus tendre enfance, la malade était excitée sexuellement, et elle en vint à la masturbation sans y avoir été entraînée par personne. Les règles se produisirent à l’âge de quatorze ans, plus tard elles s’accompagnèrent de douleurs et de coliques, d’une violente excitation sexuelle, de migraines et d’une forte dépression morale. À partir de l’âge de dix-huit ans, la malade a pu supprimer son penchant à la masturbation.

La malade n’a jamais ressenti d’affection pour une personne de l’autre sexe. Quand elle pensait au mariage, ce n’était que parce qu’elle désirait par ce moyen se caser. En revanche, elle se sentait puissamment attirée vers les filles. Elle prit au commencement cette affection pour un sentiment d’amitié. Mais bientôt elle reconnut, à l’ardeur avec laquelle elle s’attachait à ses amies, à l’immense langueur qu’elle éprouvait sans cesse pour elles, que ces sentiments étaient pourtant plus que de l’amitié.

La malade ne peut pas comprendre qu’une fille puisse aimer un homme, mais elle comprend très bien qu’un homme puisse avoir de l’affection pour une fille. Elle s’est toujours vivement intéressée aux belles femmes et aux belles filles, et leur aspect lui a toujours causé une puissante émotion. Son plus grand désir a toujours été de pouvoir embrasser ces gentilles créatures. Elle n’a jamais rêvé d’hommes, mais toujours de filles. Son bonheur